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JEU DE DUPES

En passant à son cabinet, peu après midi, le docteur Dejones fut surpris d’y trouver Cory MacGee, assise dans le vestibule. Elle devait certes se soumettre comme tout le monde aux examens de contrôle prescrits pour le retour, mais trois mois les séparaient encore de la date fatidique, il n’y avait donc pas urgence. Cette visite impromptue contraria le médecin qui, en cette veille de Saint-Sylvestre, comptait prendre une demi-journée de congé. Il fit néanmoins bonne figure, jugeant imprudent d’éconduire une collaboratrice de Pigrato.

« Docteur Dejones, veuillez pardonner mon intrusion, murmura-t-elle en grimaçant de douleur. J’ai été saisie de maux de tête effroyables, j’en avais presque la nausée, alors je me suis dit qu’il valait mieux…»

Elle n’avait effectivement pas l’air bien. « Ça vous a prise d’un coup ?

— Oui, d’un coup.

— Êtes-vous sujette aux migraines ? » Non. « Avez-vous des nano ou des micro-implants ? » Non plus. « Entrez, nous allons regarder ça au tomographe. »

Cory MacGee pénétra dans la salle d’auscultation. Le docteur Dejones lui emboîta le pas, referma le battant et poussa le verrou comme chaque fois qu’il était avec un patient. Il ne lui vint pas à l’idée de consulter son communicateur – pourquoi l’aurait-il fait ? Aussi ne remarqua-t-il pas que son accès au réseau était coupé. Lorsque Christine Faggan tenta de le contacter après avoir reçu l’appel de Pigrato, elle tomba sur un message lapidaire lui indiquant que le médecin n’était pas joignable.

Elle se précipita à l’infirmerie et trouva porte close. Le voyant Ne pas déranger était allumé. Bravant l’interdit, elle frappa timidement, trop faiblement cependant pour attirer l’attention du docteur Dejones qui, dans la pièce voisine, naviguait au milieu des méandres cérébraux de Cory MacGee. N’osant tambouriner davantage, pressée par le temps – Pigrato l’avait instamment priée de se dépêcher –, la mère d’Elinn dut se résoudre à gagner seule le bureau de l’administrateur.

Celui-ci l’attendait de pied ferme sur le pas de sa porte. En l’apercevant, il glissa à Farouk, installé à sa place devant l’ordinateur : « Vous pouvez rétablir la connexion. Elle arrive. Sans Dejones. »

Le Marocain marmonna quelque chose en arabe et fit les manipulations nécessaires. Puis il éteignit l’appareil et s’éclipsa discrètement.

« Entrez vite, lança Pigrato en guise d’accueil. Le sénateur est déjà en ligne. Où est le docteur Dejones ? Il n’a pas souhaité vous accompagner ?

— Je n’ai pas réussi à le joindre, avoua Christine Faggan en portant machinalement la main à son communicateur.

— Laissez, nous n’avons plus le temps. » Il l’attira dans son antre avec force courbettes et l’invita à s’asseoir dans son fauteuil. Elle s’exécuta docilement et sursauta en découvrant à l’écran l’image animée du politicien trônant à son propre bureau et signant des documents avec un stylo bille passé de mode.

« Il ne nous voit pas encore, lui confia Pigrato en approchant une chaise. C’est votre première vidéoconférence ? » Christine Faggan acquiesça. « Le signal met environ sept minutes vingt pour rallier la Terre. À chacune de vos interventions, vous devrez donc patienter presque un quart d’heure avant d’obtenir la réponse.

— Mon Dieu…

— Que voulez-vous, c’est ainsi. Tout vient à point à qui sait attendre.

— Vous a-t-il dit pourquoi il désirait me parler ? »

Pigrato haussa les épaules. « Je présume qu’il s’agit de votre fille.

— Ah. »

Elle observa Bjornstadt qu’elle n’avait jusque-là vu qu’en photo et une fois à la télévision. Jamais d’aussi près, en tout cas. Âgé d’une soixantaine d’années, il avait les cheveux blond blanc, légèrement clairsemés, le visage empâté, les yeux gris bleu. Ses lèvres minces s’ourlaient de ridules qui durcissaient ses traits et accentuaient la brutalité animale de son faciès.

Le sénateur Bjornstadt, véritable bête de pouvoir, inspirait la peur. Sans doute à juste titre, pour quiconque avait le malheur de se le mettre à dos.

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« Je te remercie de venir m’aider, Cari, c’est très sympa », sourit Roger Knight lorsqu’ils se retrouvèrent devant le sas numéro 3. Il gratifia l’adolescent d’une poignée de main virile. « Il y en a pas mal qui se laissent franchement aller, en ce moment.

 

— J’avais envie de me changer les idées, déclara Cari en se préparant. Et j’ai bien l’intention de sortir le plus possible pendant qu’il en est encore temps.

— Bravo ! approuva le pilote aux cheveux grisonnants. Il n’y a que ça de vrai. »

Cari verrouilla sa combinaison, contrôla les voyants et enfila ses gants tout en étudiant du coin de l’œil le scaphandre de Knight : un dispositif de recyclage dorsal y remplaçait l’habituelle cartouche d’oxygène à la ceinture. « Dites, lâcha-t-il d’un air faussement dégagé, ces systèmes de recyclage, on les raccorde aux joints classiques ?

— Oui, oui, confirma Knight, manifestement ravi de lui faire l’article. Mais il faut un adaptateur, car le dioxyde de carbone que tu expires n’est pas évacué comme dans un scaphandre normal, il réintègre le circuit. Tu vois, ce bitoniau là, c’est un adaptateur CR. Et tu dois faire basculer ta combi du mode E au mode R. R comme recyclage. Et E comme… comme « E sais pas. »

Cari hocha la tête, intéressé. « C’est aussi simple que ça ? Pourquoi nous l’avoir caché ?

— Parce que ces petites merveilles cocotent affreusement. Et les petits enfants ont l’odorat si délicat…» Il sortit une carte préalablement pliée. « Bon, au boulot. La tempête de la semaine dernière a retourné une des stations de mesure. Là. » Son doigt ganté de bleu tapota sur le papier. « Je me suis dit que tu pourrais tenir la bâche d’aplomb avec la pince articulée pendant que j’irais changer les fixations au sol.

— Okay. »

Le pilote souffla quelques grains de sable rougeâtre restés coincés au niveau du fermoir de son casque. « Réparer les dégâts alors qu’on va tous lever le camp est d’une crétinerie sans nom, mais c’est le jeu. On ne me demande pas mon avis.

— Et si je vous le demandais ? »

Roger Knight dévisagea l’adolescent en balançant son masque, comme s’il tergiversait pour savoir jusqu’où trahir le fond de sa pensée. « Eh bien… j’estime que ce n’est que partie remise. L’homme est ainsi fait qu’il aspirera toujours à explorer l’inconnu, et il faudra plus qu’un Bjornstadt pour réfréner ses ardeurs. Si aujourd’hui nous abandonnons le projet Mars, les générations futures finiront tôt ou tard par reprendre le flambeau. » Il secoua la tête. « Et elles se paieront copieusement notre tête, tu peux me croire. »

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Le sénateur leva brusquement les yeux et les plongea dans ceux de Christine Faggan. « Je vous présente mes hommages, chère madame, depuis notre belle planète bleue, commença-t-il d’une voix ferme, presque tonitruante. Je suis enchanté de faire votre connaissance, bien sûr en de tristes circonstances. Je suppose que monsieur Pigrato vous a déjà exposé en détail le plan élaboré par nos conseillers pour sauver votre fille. J’ai souhaité m’entretenir avec vous afin que vous me fassiez part de vos réserves éventuelles. Je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour dissiper vos craintes, soit en clarifiant personnellement certaines zones d’ombre, soit en veillant à ce que mes services procèdent aux réajustements nécessaires. Le président et moi-même avons évoqué, hier, le sort d’Elinn. Sachez, chère madame, que cette regrettable affaire lui tient particulièrement à cœur. Aussi m’a-t-il donné toute latitude pour y remédier au plus vite. » Le sénateur croisa les mains sur son large poitrail. « Je préfère néanmoins vous prévenir qu’il est un point sur lequel nous ne transigerons pas : quoi qu’il advienne, la cité martienne sera démantelée. Cette décision, solidement motivée, a été entérinée de manière irrévocable. » Il eut une mimique presque affligée, comme si le sujet le touchait au vif. Puis il encouragea son interlocutrice d’un sourire impénétrable. « Cela étant posé, je vous écoute. Oserai-je vous suggérer de grouper vos remarques de façon à limiter le nombre de nos interventions respectives ? Vous êtes également, j’en suis sûr, une femme très occupée. »

La mère d’Elinn déglutit. Son cerveau lui parut s’ouvrir sur un puits sans fond. Elle tenta confusément de dérouler le fil des éléments qui l’avaient heurtée dans l’offre faite par le gouvernement. L’enfermement. L’environnement à bord, peu épanouissant pour une adolescente. Ses chances d’un avenir « normal » réduites à néant.

Bientôt à court d’idées, et pourtant persuadée d’en avoir oublié la moitié, Christine Faggan se tut, releva la tête et fixa le sénateur. Celui-ci la fixa en retour, impassible. Seul son front était agité de faibles soubresauts, donnant l’impression qu’il méditait sur ce qui venait d’être dit alors qu’il ne le capterait que sept minutes et demie plus tard.

La jeune femme tressaillit quand il reprit brusquement la parole. « Madame Faggan, avant d’essayer de vaincre vos réticences, j’aimerais vous poser une question. Et je vous saurais gré de peser soigneusement vos mots. En admettant que nous fermions la station, que tous les colons soient contraints au départ – l’usage du conditionnel est, je le répète, purement rhétorique –, voyez-vous une solution différente de celle que nous vous proposons ? Voyez-vous un autre endroit susceptible d’accueillir votre fille ? Voyez-vous autre chose que nous puissions faire pour lui venir en aide ? Si oui, dites-le-moi. Je suis prêt à prendre un quart d’heure de plus pour l’entendre de votre bouche. Y a-t-il, selon vous, une autre possibilité ? »

Christine Faggan scruta le politicien qui la dévisageait avec insistance. Les stations spatiales étaient les seuls refuges permettant de vivre sous pesanteur martienne. La base implantée sur la Lune eût été une encore plus mauvaise option : dénué d’atmosphère, le satellite subissait des écarts de température extrêmes, chaque jour et chaque nuit duraient plusieurs semaines, et les ressources en eau étaient inexistantes. Jamais la Lune ne serait colonisée comme Mars avait pu l’être.

« Non, admit-elle. Non, je ne vois pas. »

Nouveau regard fixe. Tandis qu’elle rongeait son frein, les yeux rivés sur les chiffres bleutés de l’horloge incrustée en haut de l’écran, elle eut le sentiment d’avoir commis un impair en faisant cet aveu.

« Nous sommes d’accord, madame Faggan, acquiesça finalement le sénateur. Il n’y a pas d’alternative. Pourquoi peser le pour et le contre si nous n’avons pas le choix ? Quoi qu’il lui en coûte, votre fille devra vivre sur McAuliffe. Nous unirons nos efforts pour que tout se passe au mieux. » Il ouvrit une lourde serviette de cuir posée sur son bureau lustré et en sortit un papier. « Si nous voulons être prêts à temps, nous allons devoir entamer rapidement les travaux de démantèlement. Pour ce faire, vous le comprendrez aisément, nous avons besoin de votre consentement écrit. Ce n’est qu’une pure formalité, mais elle est nécessaire. Monsieur Pigrato possède une copie de ce document. Je vous prierai de bien vouloir le signer. »

Christine Faggan baissa les yeux sur les feuillets que Pigrato avait silencieusement glissés devant elle, accompagnés d’un stylo. Son cœur s’emballa. Elle aurait voulu fuir, refuser, affirmer haut et fort qu’elle voulait lire ces pièces à tête reposée, en vérifier la validité, solliciter l’avis de ses amis… Mais elle en fut incapable. Acculée par Bjornstadt qui la dominait de sa puissance écrasante. Acculée par Pigrato, posté à ses côtés. Acculée par ce stylo qui réclamait d’être saisi. Alors, elle vit sa main s’emparer de la plume, ajuster les feuillets, y apposer sa signature, comme abdiquant sa propre volonté pour ne plus obéir qu’à celle du sénateur.

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C’était bizarre. Tellement bizarre que Dipple, par acquit de conscience, retourna dans la travée, recompta les lots… et parvint une fois de plus au même résultat. Le total des pertes inexpliquées s’était encore accru, et cela, sans que personne n’ait pénétré dans la réserve.

D’après le scanner, en tout cas. Dipple regagna la machine dressée à la porte, unique accès à ce hall glacial et inhospitalier où chaque souffle se changeait en fine vapeur blanche. Il s’agenouilla. Il avait ôté la garniture de l’appareil et branché divers instruments de mesure. À les en croire, tout fonctionnait parfaitement. Chaque emballage d’aliments était muni d’une étiquette réactive que le scanner reconnaissait instantanément. Même si quelqu’un avait quitté l’entrepôt avec un objet non répertorié, le système l’aurait noté et consigné. Là, rien. Plusieurs sacs de blé s’étaient volatilisés. Des conserves de légumes avaient disparu des étagères sans laisser de trace. Sucre et cafba soluble avaient pris le large par paquets entiers.

Alors que Graham Dipple inspectait les entrailles du dispositif, il eut soudain la sensation de ne pas être seul dans la pénombre du vaste entrepôt.

Il leva les yeux, tourna la tête, tendit l’oreille. Il n’avait pas rêvé : il y avait bien un bruit. Mais un bruit étrange qu’il ne put identifier. Une sorte de crissement, de grattement, de raclement, qui paraissait provenir d’une pièce adjacente. Ce qui était aberrant puisqu’il n’y avait pas de pièce adjacente. Plus de cent mètres de roche séparaient cette enclave de la cavité la plus proche.

Il se mit à quatre pattes et coula un œil sous les rayonnages inférieurs, espérant entrevoir des pieds. Rien. Et cette saleté de sol était gelé ! Il n’avait pourtant pas collé sa joue par terre, mais le froid était mordant. Ces foutus colons n’auraient qu’à s’exiler chez les Esquimaux, ils ne seraient pas dépaysés…

Dipple plongea prudemment la main dans sa trousse à outils, attrapa sa grosse lampe torche et se remit debout. Il longea la coursive latérale à pas feutrés en glissant au passage un œil dans chaque travée. Toutes étaient sombres et désertes. Finalement, il alluma la lampe et balaya les environs de son rayon surpuissant. « Il y a quelqu’un ? cria-t-il. Je vous ai entendu. Je suis près de la porte. Vous ne pourrez pas sortir sans que je vous voie. »

Après un moment de silence, les bruits mystérieux reprirent. Cette fois, le doute n’était plus permis. Dipple essaya d’en localiser l’origine, en vain : les raclements surgissaient de nulle part. Les fantômes du cellier semblaient s’être invités à la table des vivants.

« Très bien. Procédons autrement. » Il posa son matériel sur le plan de travail qui courait le long du mur latéral. Il fourgonna dans sa sacoche et piocha une paire de lunettes à infrarouge qu’il chaussa avant d’éteindre les plafonniers.

Le dernier ravitaillement – officiel – remontait à quatre heures. Si le pillard s’était remis à l’ouvrage dans l’intervalle, il avait fatalement laissé des traces de chaleur. En dépit de la température polaire qui régnait en ces lieux, elles auraient probablement tenu jusque-là.

Dipple avança lentement, précautionneusement, afin de ne pas buter contre les étagères qui, en vision infrarouge, n’étaient que des ombres noires sur fond noir. Autant dire rien du tout. Il capta ses propres empreintes, d’un rouge éclatant. De nombreuses marques de doigts maculaient planches, boîtes de conserve, bouteilles, sacs et fûts. Le souffle de sa respiration les avait également embués de traînées nébuleuses.

Travées obscures, sans aucune piste.

Si. Là…

« Hou ! hou ! » fit doucement Dipple.

Ce ne fut au début qu’une tache sanguinolente aussi ténue qu’un mirage. Puis, à mesure que le détecteur gagnait en intensité, il aperçut au sol des empreintes rose pâle qui menaient à un casier et s’en retournaient. Il approcha et s’accroupit pour les examiner. Leurs bords étaient effrangés, comme grignotés par le froid. Elles lui parurent petites, semblables à celles d’un enfant. Mais peut-être était-ce uniquement dû au fait qu’elles étaient là depuis longtemps et que seule la partie centrale, plus chaude, avait résisté.

Elles se dirigeaient vers le fond de la réserve.

Dipple les suivit. Elles se multiplièrent à proximité du mur. Toutes ralliaient un point précis sur lequel il braqua sa torche. Il releva les lunettes sur le sommet de son crâne et pressa le bouton de la lampe.

Le rayon lumineux révéla une plaque métallique fixée à même la roche par quatre simples vis.

« Qu’est-ce que c’est que ça ? » L’homme s’avança, méfiant. Il toucha la surface, en palpa les contours. À quoi diable ce truc pouvait-il servir ? Il frappa deux ou trois coups, mais ne put déterminer si cela sonnait creux ou non. Il chercha une prise du bout des doigts, tira violemment et délogea la plaque qui tomba lourdement à terre.

« Une galerie », murmura-t-il, stupéfait. Cela expliquait les grattements : le pillard avait tenté de s’introduire dans l’entrepôt par ce passage, mais, alerté par le bruit, il avait aussitôt battu en retraite.

Dipple sonda à tâtons les parois du trou presque circulaire. Comme creusé par un lombric géant… et dévoreur de cailloux. Les empreintes étaient donc bien celles d’un enfant. Seul un enfant pouvait se faufiler dans un boyau aussi étroit. Un enfant qui, de surcroît, n’avait pas froid aux yeux.

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La station de mesure se dressait à nouveau, droite comme un i, sur la plaine d’un brun oxydé. Les coupelles de l’anémomètre tournoyaient lentement, bien que l’une d’elles fût désormais légèrement cabossée, et la girouette se pliait avec grâce aux infimes oscillations du vent. D’un geste de la main, Roger Knight ordonna à Cari de lâcher la perche métallique et de remettre le bras articulé dans sa position initiale. Puis il ramassa ses outils.

« Du gâteau, hein ? » s’exclama-t-il en grimpant dans l’habitacle. Il se débarrassa de son casque, retira ses gants et s’affala sur son siège. « Juste une chose : tu n’avais pas besoin d’éteindre la turbine. Au point mort, elle ne consomme pratiquement pas. De toute façon, nos réserves en méthane dépassent largement ce que nous grillerons d’ici le départ. À quoi bon rogner dessus si c’est pour tout recracher dans l’atmosphère avant le décollage ? »

Cari toussota. « Je n’ai rien éteint du tout. Il y a eu un raclement bizarre et ça a calé. »

Knight bondit comme un ressort. « Un raclement ?

— Oui. Pendant quelques secondes.

— Pourvu que ce ne soit pas ça…» marmonna le pilote, soudain inquiet. Il pressa le démarreur. « Pourvu que le sable ne se soit pas infiltré dans le circuit d’alimentation. »

Un couinement pitoyable retentit à l’arrière, mais la turbine ne bougea pas.

« Quelle m… Que tes chastes oreilles m’excusent pour ce juron. Je croyais ce problème réglé depuis longtemps. » Il secoua la tête, furieux. « Chapeau, les motoristes arabes ! Si eux ne s’y connaissent pas en sable, où va-t-on ? » Il enclencha de nouveau le démarreur, sans plus de succès.

« Ça n’a pas l’air gagné », risqua faiblement Cari.

Roger Knight opina, les yeux rivés sur le tableau de bord. « Tu l’as dit, mon gars. Si ça continue, on va devoir abandonner le patrouilleur et rentrer à pied.

— Oh, ce n’est pas si loin ! »

Le pilote s’escrima une fois encore en tendant l’oreille au bruit suspect en provenance du moteur. « Mmh. C’est quand même curieux. À l’aller, on n’a absolument rien entendu. Et le démarreur m’a l’air en parfait état.

— Le sable a dû provoquer un bouchon quelque part. Au niveau des gicleurs peut-être. » Cari se pencha en avant et jeta un œil par la fenêtre. « Ce n’est pas dramatique, si ? On n’a qu’à escalader cette colline, la cité est de l’autre côté. À moins de vingt minutes, je dirais.

— Il y va de mon honneur, tu comprends ? » Roger Knight récupéra sa caisse à outils et remit ses gants. « Bon, je descends voir si je peux réparer. À mon signal, tu tireras sur ce levier, d’accord ? Il commande l’ouverture du capot. On verra bien ce qui cloche. » Il s’arrêta, réfléchit un bref instant et s’empara d’une énorme clé plate qu’il fourra dans l’une de ses poches.

« Euh, monsieur Knight », souffla Cari, mal à l’aise.

Knight fit claquer les fermoirs de ses gants et attrapa son casque. « Oui ?

— Avant que vous y alliez, je voudrais vous demander…»

Le projet Mars
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